Sur cette route sombre aux abords du bois de Vincennes, plusieurs silhouettes se faufilent entre les arbres. Leur seul guide : des coordonnés GPS et la lumière de leur smartphone. Nous sommes un samedi soir, tard. Les bruits des pas et des insectes nocturnes sont peu à peu couverts par ceux des basses… qui couvrent tout lorsqu'on débouche enfin sur une clairière, où une centaine de personnes se déhanchent sur de la musique électronique. Bienvenue dans une free-party.
Alors que les discothèques n'ont toujours pas le droit de rouvrir leurs portes au public, de nombreux « teufeurs » se tournent désormais vers ces soirées illégales et non-déclarées.
Les free parties, la plupart du temps gratuites ou alors avec une participation volontaire, sont souvent organisées dans des lieux désaffectés ou en pleine nature. L'endroit de la fête est communiqué à la dernière minute et à un nombre restreint de participants afin d'éviter une intervention prématurée des forces de l'ordre. Le phénomène n'est pas nouveau, il a trente ans, mais il semble exploser depuis le déconfinement en région parisienne.
« Il y a trois semaines, je suis allé à une free party dans les bois de Vincennes et je suis tombé sur cinq soirées avant de trouver la bonne ! atteste Benjamin, photographe et vidéaste rencontré ce samedi soir. Je n'ai jamais vu autant d'événements clandestins dans les bois que depuis le déconfinement. »
Et ceux que nous avons rencontrés y trouvent largement leur compte. « C'est mieux que les boîtes de nuit, on est en plein air et c'est ouvert à tout le monde » estime Désiré, qui travaille dans l'informatique. « Parfois en boîte, je me sens trop regardée alors qu'en free tout le monde s'en fout de toi. Et je n'ai pas envie de payer 15 € le cocktail, alors qu'ici tout peut être gratuit », rajoute Cyrielle, journaliste.
« Au moins on ne se bouscule pas »
Matthieu est le fondateur du collectif organisateur de la soirée où nous nous sommes rendus. Depuis deux ans, les trois membres organisent des rencontres dans des lieux insolites, églises ou encore bureaux… Mais ce samedi soir, c'était leur première free. Et Matthieu est très satisfait du résultat : « On a eu très peur pour la police mais finalement on a tout fait pour être responsable : on a un extincteur, du gel hydroalcoolique, des sacs-poubelles pour respecter les lieux et on a demandé aux participants de venir avec un masque. »
Le contexte actuel de la crise sanitaire de Covid-19 ne semble pas effrayer les participants de la soirée : « J'avais peur au début, mais je me dis pourquoi me soucier si on ne s'en soucie pas ailleurs. Regardez le canal Saint-Martin! Au moins dans les bois, on a de l'espace et on ne se bouscule pas », estime Benjamin.
Des risques pour les organisateurs
Que risquent les organisateurs de ces soirées illégales? Selon un communiqué de la préfecture de police du Maine-et-Loire, les organisateurs s'exposent à six mois d'emprisonnement et jusqu'à 7 500 € d'amende. Les participants peuvent aussi être sanctionnés d'une amende de 135 €.
Pour Me Marianne Rostan, avocate spécialisée dans la défense des organisateurs de free parties, les soirées clandestines « font l'objet depuis longtemps d'une répression importante et parfois complètement disproportionnée, certainement liée aux préjugés dont ils font toujours l'objet. »
Elle rappelle que l'amende encourue pour l'organisation d'une soirée illégale est de 1 500 € maximum et la confiscation du matériel sonore qui, la plupart du temps, « vaut beaucoup plus que l'amende ». Et une proposition de loi adoptée l'automne dernier au Sénat prévoit de passer à 3 750 € d'amende, même si, tempère l'avocate, elle n'a que peu de chance d'aboutir, le gouvernement y étant défavorable.
« S'ils sont poursuivis pour agression sonore, ce qui est possible, ils peuvent encourir de la prison », s'indigne toutefois l'avocate, qui défend 89 participants à la fête de la musique de Nantes pendant laquelle Steve Maia Caniço a été retrouvé mort, provoquant un vif débat sur les violences policières.
Des interventions difficiles à chiffrer
Depuis le déconfinement, l'avocate des fêtards dit de ne pas avoir remarqué une hausse de demandes de défense pour les organisateurs de soirées clandestines, « mais ça reprend petit à petit », explique-t-elle.
Interrogée, la préfecture de police de Paris n'a pas pu communiquer le nombre d'interventions afin de disperser des soirées illégales depuis le déconfinement. Pourtant, presque à chaque fois, c'est la police qui siffle la fin de la récré. « C'est rare que la police n'intervienne pas dans les frees. Le plus souvent, ils arrêtent la soirée et tout le monde rentre à la maison », reprend Benjamin.
Constat similaire pour Cyrielle, qui s'est rendue à une free party vendredi dernier dans la forêt de Marly-le-Roi (Yvelines). La soirée a été interrompue par les forces de l'ordre vers 4 heures du matin : « Ils étaient quatre ou cinq policiers, ils sont venus et ils ont tranquillement dispersé la foule de 200 personnes qui était présente », raconte la jeune femme.
Des interventions de la police jugées parfois trop laxistes par certains. C'est le cas de plusieurs habitants de Montreuil (Seine-Saint-Denis). La nuit de samedi à dimanche dernier a été mouvementée pour les riverains du parc des Beaumonts, classé Natura 2 000 pour sa biodiversité. Une free party s'est tenue jusqu'à 10 heures du matin, agaçant de nombreuses personnes, qui l'ont fait savoir sur les réseaux sociaux.
Sophie, habitante de Montreuil, n'a rien contre les free parties tant qu'elles « ne se déroulent pas au détriment des riverains ». Mais elle déplore la présence de capsules de protoxyde d'azote qui « fleurissent partout sur l'espace public. »
Selon Thomas, un autre habitant de la ville, l'intervention des forces de l'ordre est arrivée beaucoup trop tard.
L'année dernière, plus de 4 000 free parties ont été recensées en France, selon des chiffres rapportés par Public Sénat.
July 11, 2020 at 07:54PM
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Coronavirus : faute de boîtes de nuit, c'est le règne des «free parties» - Le Parisien
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